Interview de Thérèse Ilboudo : "Eduquer une femme, c’est éduquer une nation"

par Julie Thiery

Quel est le but de l’association ?

Le but de l’association est de promouvoir la scolarisation des enfants de familles démunies au Burkina Faso du primaire jusqu’au bac. Une attention particulière est donnée à l’éducation des filles car c’est par leur éducation que passe notamment l’amélioration des conditions sanitaires d’un pays. Eduquer une fille, c’est éduquer une nation.
En plus des frais de scolarité, l’association prend en charge la vaccination des enfants et les frais médicaux si besoin. Nous fournissons également des vivres ou encore des fournitures scolaires.

Comment avez-vous connu Jean-Yves Denis ?

J’ai connu Jean-Yves Denis grâce à Danièle Thiery. Tous deux ont été parmi les premiers à me soutenir dans mon envie et ma volonté d’aider des enfants à accéder à l’éducation.

Pourquoi avez-vous donné son nom à l’association ?

Quand Jean-Yves est décédé, j’ai voulu lui rendre hommage. J’ai donc créé officiellement l’association et je lui ai donné son nom. Je continue à travailler avec sa compagne, Danièle, pour aider et parrainer les enfants.

Depuis quand l’association existe-t-elle ?

L’association a été fondée en 2012. La branche française a été fondée cette année. Je suis présidente de la branche au Burkina et Danièle Thiery est présidente de l’association en France ( loi 1901).

Combien de personnes travaillent au sein de l’association ? Que font-ils ?

Il y a 9 qui donnent de leur temps au sein de l’association. Tous sont bénévoles. Il y a par exemple Prisée qui est éducateur et qui fait le lien entre l’association, les familles et l’école. Danièle Thiery a fondé l’association Jean-Yves Denis France qui a pour but de collecter et transférer les fonds permettant de payer les parrainages. Elle s’occupe également de l’acheminement des colis de vêtements, fournitures scolaires ou livres destinés aux enfants.

Qui finance l’association ?

Ce sont les parrains européens des enfants : chacun s’engage à financer la scolarité des enfants à hauteur de 150 euros par enfant et par an.

Combien y a-t-il d’élèves dans l’association aujourd’hui ?

L’année dernière, il y avait 70 enfants parrainés au sein de l’association. Cette année, nous allons passer la barre des 80.

Est ce que vous connaissez tous les prénoms des enfants ?

Oui ! Je connais tous les enfants ainsi que leur famille. Je les rencontre tous les mois pour faire un bilan de leurs résultats. C’est l’occasion aussi pour eux de venir emprunter des livres dans la bibliothèque que nous avons montée, il y a deux ans. ( A cette occasion, les élèves du Carré avaient collecté près de 300 livres qui ont été envoyés au Burkina)

Avez-vous été à l’école ?

Oui je suis allée à l’école mais ça n’a pas été simple. J’étais promise depuis mes trois ans à un mari que je ne connaissais pas et je devais me marier tôt par conséquent je n’étais pas destinée à aller à l’école. Mais je voulais vraiment apprendre donc j’allais à l’école sans y être inscrite et j’écoutais les leçons du professeur assise à l’entrée de la classe qui n’avait pas de porte. Ma mère a supplié mon père de me laisser aller à l’école : il a accepté et c’est ma petite sœur qui a été promise en mariage à ma place. Malheureusement mon père est mort quand j’ai passé mon certificat d’étude et je n’ai pas pu continuer au collège. Je me suis ensuite mariée et j’ai eu mes six enfants : je suis alors retournée à l’école en suivant des cours du soir. J’ai passé mon bac, puis mon diplôme de marketing.

Y a-t-il des cantines dans les établissements du Burkina Faso ?

Oui il y a des cantines au Burkina Faso mais elles n’ont rien à voir avec celle que vous avez ici en France. Les élèves ont un plat unique, sans viande, avec un féculent, quelques légumes. Les enfants mangent assis par terre sous un arbre.

Comment ça se passe dans les classes quand les élèves font des bêtises ?

Les élèves sont très nombreux dans les classes. Parfois plus de 100 avec un seul professeur. Donc il n’est pas possible ni admissible que des élèves fassent n’importe quoi. Comme en France, les élèves sont punis et peuvent être retenus. Les élèves perturbateurs peuvent recevoir des "chicottes" ( petit coup derrière la tête).

Est ce qu’il y a des cours de récréation ?
Oui, les écoles ont des cours de récréation mais elles ne sont pas bitumées comme ici. Elles sont en terre battue.

De quoi avez-vous besoin comme fournitures scolaires ?

Nous avons besoin d’un peu de tout : aussi bien de cahiers que de stylos ou de crayons à papier. Les tailles crayons, des gommes ou du matériel de géométrie ( rapporteur, compas, règle) sont aussi les bienvenus.

Est ce que les enfants ont des téléphones ?

Comme en France, les téléphones sont interdits à l’école mais de toute façon les élèves n’ont pas de portable, cela coûte beaucoup trop cher et ils n’en ont pas l’utilité. D’autant que beaucoup d’enfants n’ont pas d’électricité chez eux et ils ne pourraient donc les recharger. Il n’y a pas d’ordinateurs non plus dans les écoles car cela coûte très cher et de toute façon, il n’y pas internet.

Est ce qu’ils changent de salle de cours pendant la journée ?

Non, les élèves restent dans la salle de cours et ce sont les professeurs qui se déplacent. Etant donné le nombre d’élèves par classe, c’est beaucoup plus simple.

Quelles sont les langues parlées/ enseignées à l’école ?

A l’école, les enfants parlent et apprennent le français. En deuxième langue, ils peuvent apprendre l’anglais ou encore l’allemand. Il existe cependant plusieurs dialectes qu’ils parlent chez eux comme le mooré ou le dioula. Lorsque les parents ne parlent pas français à la maison, c’est plus difficile pour les enfants de suivre en cours.

Quelles sont les horaires de l’école au Burkina ?

L’école commence tôt à 7h. Sachant que certains enfants viennent de loin et à pied, ils sont obligés de se lever parfois à 4h du matin. Il fait très chaud au Burkina ce qui explique que le début des cours soit aussi tôt. Puis ils ont une récréation le matin et puis retravaillent jusqu’à midi et ils déjeunent. Les cours se terminent à 15h.

Est-ce qu’il y a plus de filles ou de garçons dans les écoles ? Est ce que les filles sont respectées par les garçons à l’école ?

Malheureusement, il y a souvent plus de garçons que de filles dans les classes car s’il faut scolariser une enfant dans la famille, on choisira en priorité le garçon. Les filles restent plus souvent à la maison pour aider leur famille. Les classes sont mixtes. Oui la mixité se passe bien : les garçons respectent les filles tout comme ces dernières respectent les garçons.

Est ce qu’il y a beaucoup de mariages précoces au Burkina Faso ?

Malheureusement oui, il y a encore trop de mariages précoces. Beaucoup de jeunes filles sont mariées à 15 ans. Souvent elles ne choisissent pas leur mari, c’est le choix de leur famille.

Propos recueillis par les élèves de 6e5